Hasard du calendrier, Maxime Bouet a choisi le jour le plus long de l’année pour l’annoncer. Comme s’il voulait repousser au maximum une décision qui ne dit pas son nom depuis quelques mois déjà. Comme s’il faisait tout pour étirer autant que possible cette échéance qui paraissait inéluctable et qui va déchirer ce « passionné » de la première heure. Le Plan-de-Cuquois vient d’annoncer dans une vidéo publiée par son équipe Arkéa-Samsic, et tournée par celle-ci la semaine dernière en Provence, qu’il mettrait un terme à sa longue carrière à la fin de l’année 2023. Une vidéo émouvante, évidemment. À son image. À l’image du coureur, mais surtout de l’homme (qui fêtera ses 37 ans en novembre prochain) souriant en toutes circonstances. Adulé en Provence, aimé partout en France, estimé ailleurs dans le monde. « Je veux qu’on retienne simplement de moi que je suis un bon mec, nous confie-t-il. Un mec de confiance. Avant même de dire que je suis un bon coureur. » Des « frissons » parcourent son corps. Il a des trémolos dans la voix et la gorge nouée au moment de rembobiner le film de sa carrière.
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Au total, le natif de Belley (Ain) a arpenté le peloton au plus haut niveau durant seize saisons chez les professionnels, disputé seize grands Tours (quatorze terminés) et enregistré huit succès. Formé au Chambéry CF et révélé au VC La Pomme-Marseille chez les Espoirs, il est passé par Agritubel (2008-2009), AG2R-La Mondiale (2010-2014), Etixx-Quick Step (2015-2016) et Fortuneo (dès 2017) devenue Arkéa-Samsic. Amoindri par des problèmes respiratoires depuis plusieurs mois, celui que tout le monde surnomme affectueusement « le Blond » ne fera pas l’année de trop. « C’est le moment d’arrêter, pour plein de raisons, explique-t-il. Je vois que c’est plus difficile sur le vélo, il y a la vie de famille, deux enfants, le boulot de mon épouse qui est très prenant. C’est compliqué de jongler avec tout ça. J’ai de moins en moins de temps pour récupérer. J’aime faire les choses à 100% et là, je suis à 99%… J’ai plus de mal à aller frotter, à me placer. Aujourd’hui, dans le cyclisme, il faut jouer des coudes, il faut se battre, c’est nerveusement que j’ai moins la niaque. Les jeunes sont plein d’envie, je me fais bouffer. C’est simplement normal, je l’accepte. »
Véritable ascète, s’infligeant privations et sacrifices pour permettre cette longévité de plus en plus rare dans ce « sport de masochistes, de tarés » comme il le décrit, Maxime Bouet repense à ses entraînements « tout seul sous la flotte et le froid au coeur de l’hiver, à se faire mal, dans l’Espigoulier, à peser chaque gramme de ce que tu manges, à faire des déprimes parce que tu pensais avoir perdu du poids alors que tu as grossi ». Il évoque ces « repas que tu termines avec la sensation de faim, les fêtes de famille que tu loupes, les centaines de jours où tu es en déplacement et, donc, où tu ne dors pas chez toi ».
« Le petit bouboule à l’école, parfois la risée de certains »
Autant de moments difficiles qui ont forgé son mental à toute épreuve. Comme ce jour de 2010 où il a perdu sa maman, Brigitte, et dont les cendres avaient été dispersées sur les pentes du col du Grand Colombier, dans le département de naissance de « Max », où il a commencé le vélo à l’UC Culoz-Belley. « Tous les dimanches, je finissais dernier des courses, se souvient-il. Ce qui m’a sauvé, c’est que durant un hiver, j’ai eu une poussée de croissance, j’ai maigri, j’ai eu un gabarit de cycliste. Dès lors, en minime 2e année, j’ai gagné toutes mes courses. Ça m’a donné envie de faire du vélo. »
L’émotif, ce « gamin venu d’un petit village perdu de l’Ain », a finalement réussi. « J’ai beaucoup voyagé. J’ai fait l’équivalent de douze fois le tour du monde, disputé plusieurs fois le Tour de France (neuf). Plein de gens te disent que ce n’est pas possible, et au final, c’est possible. J’ai beaucoup galéré quand j’étais enfant, je n’étais pas bon au niveau scolaire, j’étais le petit bouboule, de l’école primaire au collège. J’étais parfois la risée de certains, il n’y avait rien qui me prédestinait à réussir. Mais grâce au vélo, j’ai sorti la tête de l’eau. C’est une belle revanche. Seize ans, c’était un beau voyage. »
« Ce qui me caractérise, c’est la résilience »
Loin de se comparer aux « champions, ceux qui gagnent », Maxime Bouet s’est distingué par sa jovialité à nulle autre pareille. Mais aussi par sa longévité. « J’ai vécu des trucs de malade. Et des choses horribles, explique-t-il. Ce qui me caractérise, c’est la résilience. J’ai eu beaucoup de pépins dans ma carrière, beaucoup de problèmes familiaux. Je n’ai rien lâché. Jamais. J’ai croisé des champions extraordinaires, dans toute les équipes où je suis passé. » Il a parfois été malchanceux, notamment sur sa terre d’adoption : on se souvient de cette arrivée à Marseille en 2013 sur le Tour de France le long des plages du Prado où il se fracture le poignet. Il y a aussi eu cette étape du Tour de La Provence 2019 où il a chuté à l’approche du circuit du Castellet alors qu’il connaissait le moindre centimètre carré du parcours.
Le jeune puncheur, qui « devait à 99% » remporter le Tour du Trentin (devenu Tour des Alpes) en 2013 avant de le perdre pour 55 secondes derrière Vincenzo Nibali à cause « d’erreurs tactiques » de son équipe d’alors, s’est mué au fil du temps en un formidable équipier de luxe. « Il y a eu un tournant au décès de ma mère, ne cache-t-il, malgré sa pudeur. J’étais chez AG2R La Mondiale. D’habitude, je retiens les dates, les anniversaires, mais j’ai un problème avec cette date-là. Je venais de faire 4e de la première étape du Tour Med’, j’avais le maillot de meilleur jeune. Je me souviens que les obsèques étaient un mardi et que le samedi suivant, j’étais au Tour du Haut-Var à tirer des bouts droits… » Une blessure profonde, indélébile, qui marque une césure dans sa progression. Maxime Bouet aura alors ensuite du mal à conclure, à lever à nouveau les bras. Comme s’il était freiné par cette peine invisible mais incommensurable. Marqué par cette douleur intime. « J’ai 2-3 petits regrets. J’aurais pu avoir des victoires en plus. C’est comme ça, il y avait meilleur de moi », juge-t-il aujourd’hui, sans forfanterie ni jalousie.
« Je veux être dans la transmission, mon rêve est de devenir directeur sportif »
Il repense à cette deuxième place sur le Tour d’Espagne 2016 derrière Keukeleire, pour un sprint avec les 40 meilleurs. Il y a aussi, bien sûr, quelques très « belles performances » : 3e d’un championnat de France de contre-la-montre (2014), 14e d’un Paris-Nice (2013), 20e d’une Vuelta (2012). Ou encore 2e du Grand Prix La Marseillaise en 2017, à domicile. Une course, parmi tant d’autres, au terme de laquelle il n’a pu réprimer ses larmes. Il est comme ça, « Max » : entier, sensible, franc. Depuis deux ans, loin de battre ses records en termes de watts, il tirait quand même le meilleur de lui-même. L’essence de sa personnalité : « Mon sens de l’équipe, ma connaissance du terrain et de la course ». Il s’est transformé naturellement en capitaine de route. Un équipier modèle. Un homme entier autant qu’un coureur dévoué. Le gars franc sur qui on aimerait compter en toute circonstance. Pour sa fine connaissance de la course et des parcours, sa faconde, ses expressions méridionales bien à lui. Un vrai capitaine de route. Un statut qu’il s’est forgé au fil des années auprès de grands leaders (Rigoberto Uran, Michal Kwiatkowski, Julian Alaphilippe, Nairo Quintana) et d’un de ses rares amis dans le peloton, Warren Barguil. Des qualités qui devraient le conduire directement à la prochaine étape de son parcours, une fois le vélo raccroché : « Je veux être dans la transmission. Mon rêve est de devenir un jour directeur sportif. C’est l’objectif de mon prochain chapitre. »
Maxime Bouet devrait entamer dès octobre prochain une formation au Diplôme d’État (sur 14 semaines, à Poitiers), en plus des cinq jours à l’UCI à Aigle (Suisse) en novembre. « Je ne sais pas si je suis fait pour ça, mais c’est mon rêve. L’équipe Arkéa-Samsic grandit, il se passe des choses en interne qui sont motivantes, qui correspondent à mon rêve. Je n’ai pas envie de laisser passer certaine choses. Ma carrière est derrière, il faut penser à l’après. »
« Pour ma femme, c’est presque un soulagement »
Si Bouet a toujours avancé, il sait que c’est grâce au soutien indéfectible de sa femme Sabrina, de leurs enfants Victoire et Tom, de son père Gérard (intégré depuis quelques années au staff d’Arkéa). Alors, au moment d’annoncer son prochain retrait, il n’oublie pas ses proches qui l’ont vu maintes fois douter, l’ont soutenu et auprès de qui ils ont appris les valeurs cardinales de ce coureur au coeur énorme comme on en fait plus aujourd’hui : l’exigence et le travail. « Pour ma femme, c’est presque un soulagement, souligne-t-il. Elle m’a vu tellement mal, assis sur les marches de la maison, quand je me demandais pourquoi je n’avais pas réussi mes entraînements, à péter un câble au petit-déjeuner parce que je n’avais pas réussi à perdre du poids. »
Alors, comme il le dit dans la vidéo diffusée en son hommage par son équipe : « Le vélo m’a éduqué ». « Je ne suis pas quelqu’un qui est beaucoup allé à l’école, je n’avais que le vélo en tête, déjà. Quelque part, ça a fait mon éducation. Et mes enfants aujourd’hui, je leur inculque des valeurs. Ma fille a dix ans, elle a vécu dix ans de ma carrière, elle a vu tout ce qu’il faut faire pour se battre, le travail de l’ombre pour arriver prêt le jour de la course, l’exigence, les valeurs de travail et de rigueur. »
« Je suis un amoureux de mon sport »
Dans le droit fil de Provençaux qui ont marqué leur temps, les Gustave Ganay, Raoul Rémy, Louis Rostollan, Éric Caritoux ou Marcel Tinazzi, Maxime Bouet aura marqué son époque. Ce fidèle du VC Gombertois est prêt à transmettre son bâton de pèlerin. « Je suis un amoureux de mon sport, se définit-il. Je ne loupe aucune course à la télé ; dès qu’il y a une épreuve pas loin de la maison, je vais la voir. Si tu me demandes qui a gagné telle course en France aujourd’hui, je pense que je peux te répondre. Je suis un passionné. » Mais avant de ranger définitivement son vélo, il se soigne. Se refait une santé pour aborder au mieux sa tournée des adieux qui le conduira notamment, au Tour de l’Ain début août. Sur les pentes du Grand Colombier qui lui sont si chères. Histoire de boucler la boucle. En paix.
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